Sainte-Hélène et Napoléon

Napoléon arriva à Sainte-Hélène le 16 octobre 1815, après sa défaite de Waterloo, l'été précédent, contre les Britanniques et les Prussiens. La possibilité pour lui de fuir était aussi lointaine que l'île elle-même. Les fortifications étaient vraiment imposantes : chaque point stratégique surplombant l'océan était hérissé d'emplacements de canons, et les leçons de l'invasion hollandaise avaient été retenues, de sorte que les passages intérieurs étaient à l'abri des hauteurs. Un visiteur découvrant l'île rapporta : « Des batteries apparaissent désormais dans toutes les directions ; où qu’on regarde, c'est partout canons, portes, meurtrières, et soldats. » Sainte-Hélène était de fait un vaisseau de ligne imprenable, ancré en permanence dans l'Atlantique Sud.

 
 

Un buveur de café régulier

Bien que les plants de café, plantés à partir de graines yéménites près de cent ans auparavant, eussent disparu jusqu'au rapport Roxburgh en 1814, un rapport apocryphe signale que pendant son exil, Napoléon déclara : « 'Le seul aspect positif de Sainte-Hélène, c'est le café.' 

En dépit de son indifférence générale à la nourriture, Napoléon était un buveur régulier de café quand il était à Sainte-Hélène : il en prenait tous les jours au petit déjeuner à six heures, puis au déjeuner à dix heures. Le dîner de huit heures se terminait toujours par un café servi avec une cafetière d'argent dans ses tasses précieuses, qu'il avaient commandées en 1806 à la manufacture de porcelaine de Sèvres. Celles-ci étaient petites, bleues, et décorées de hiéroglyphes en or et d'images peintes à la main, tirées des Scènes d'Égypte de Vivant Denon. Bingham avait remarqué les tasses : « Le service à dessert était en porcelaine de Sèvres, avec des couteaux, fourchettes et cuillères en or. Les tasses à café étaient les plus belles que j'eusse jamais vues : sur chaque tasse était une scène égyptienne, et sur la soucoupe, le portrait d'un bey ou autre personne distinguée. En France, cela coûte vingt-cinq guinées pour une tasse et une soucoupe.

Lors d'une visite à la maison d'un de ses collaborateurs, le Maréchal Bertrand, près du presbytère de St Matthew, juste à côté de Mount Pleasant, avec Betsy Balcombe et Napoléon, burent un « café délicieux » préparé par La Pages, mais il ne donne aucune indication quant à ses origines.



Haie de bambou pour l'empereur

Mount Pleasant se trouve dans la région de l'île nommée Sandy Bay, à 500 mètres de Bamboo Hedge, qui est l'endroit où fut planté le premier caféier du Yémen dans les années 1730 et qui est l'une des zones de culture de Solomon (et est maintenant la ferme centrale pour la culture du café à Sainte-Hélène). Il est tentant de supposer que Sir William aurait parlé à Napoléon de cette ancienne plantation de café, qui était visible de sa maison ; et qu'il pourrait même avoir préparé du café de Bamboo Hedge pour l'Empereur.

Même si Sainte-Hélène était toujours une possession de la Compagnie des Indes, son administration fut reprise par la Couronne pendant l'exil de Napoléon. Cette dernière payait également pour l'augmentation considérable des dépenses nécessaires au maintien de l'île dans un état d'alerte maximale constant.

Curieusement, malgré les mentions fréquentes de dégustation de café par Napoléon à Sainte-Hélène, il n'y a aucune référence au café dans les comptes détaillés des livraisons de nourriture et de vin à Longwood, à l'exception d'un incident lors duquel Hudson Lowe fit don de café à l'empereur, ce qui joua un rôle dans leur brouille d'avril 1816, lors de leur deuxième rencontre. Entre-temps, un ordre du jour chargé s'était accumulé. La provenance du café est incertaine, et même s'il est tentant de supposer qu'il venait des plants qui avaient été aperçus récemment à Sandy Bay, Montholon affirme que Lowe l'avait reçu de la Réunion, la petite île française de l'Océan Indien. À première vue, cela semblerait peu probable, puisque les hommes des Indes Orientales passaient rarement là-bas, et que les navires français n'auraient pas été bienvenus à Sainte-Hélène. Cependant, à cette époque, le café de la Réunion se vendait en quantités importantes au Cap, et il existait un commerce privé florissant entre l'île et Le Cap. Il est donc parfaitement possible qu'à cette occasion, du café de la Réunion pusse parvenir à Sainte-Hélène et, via Lowe, à Longwood.


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Napoléon un bref jardinier

Napoléon se mit brièvement au jardinage, construisit un salon de thé chinois, et planta des caféiers comme pièce maîtresse de ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de « Jardin de Marchand », à l'extérieur de la chambre de l'Empereur. Les caféiers se flétrirent avec le vent et moururent, et avec eux l'enthousiasme de Napoléon et, peu après, l'homme lui-même. La cause de sa mort est encore très contestée, bien que le cancer de l'estomac reste l'explication officielle. Alors qu'on a en effet trouvé de l'arsenic dans des échantillons de cheveux de Napoléon à Sainte-Hélène, il y en a aussi, pour des raisons inexpliquées, dans des échantillons prélevés dès 1805, ainsi que dans les cheveux de ses trois sœurs, ce qui sape assez bien les soupçons que Napoléon fût empoisonné sur l'île.

Quelques jours avant la fin, le Maréchal Bertrand rapporte que Napoléon réclamait sans cesse du café et que son nouveau « docteur », Antommarchi (il était en fait assistant de salle de dissection), lui en permette quelques cuillerées. Puis, alors que l'Empereur diminuait encore plus, Bertrand écrit:

"Le matin, il avait demandé vingt fois si on lui permettait de prendre du café. « Non, Sire.
– Les médecins m'en permettraient-ils une cuillerée ?
– Non, Sire, pas dans ce moment, l'estomac est trop irrité, vous vomiriez un peu plus tôt, peut-être. 
» Il a peut-être vomi huit à neuf fois dans la journée.
Que d'idées sur un si grand changement! Les larmes m'en sont venues aux yeux, en regardant cet homme si terrible, qui commandait si fièrement, d'une manière si absolue, supplier pour une cuillerée de café, solliciter la permission, obéissant comme un enfant, redemandant la permission et ne l'obtenant pas, revenant et toujours sans succès, toujours sans humeur. Dans d'autres moments de sa maladie, il envoyait paître ses médecins et leurs conseils et faisait ce qu'il voulait. Il avait à présent la docilité d'un enfant. Voilà le grand Napoléon : misérable, humble."


Mort de Napoléon

Napoléon mourut à 5 h 49, le soir du 5 mai 1821, dans son lit de camp, qui avait été déplacé dans le salon de Longwood. À sa mort, l'empereur avait ordonné : « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu du peuple français que j'ai tant aimé. » Toutefois, les Britanniques considérèrent son corps comme une menace à la sécurité nationale : Lord Rosebery remarqua que « La seule chose qui serait pire que l'arrivée d'un Napoléon mort en Europe serait son arrivée en vie ». Il fut donc condamné à un exil prolongé post mortem. On lui choisit un site de sépulture dans une charmante vallée à proximité de la Porte de Hutt, à côté d'une source à laquelle il avait toujours insisté pour qu'on tire son eau potable personnelle à Longwood : par coïncidence, elle s'appelait la Vallée de la Sane. L'enterrement eut lieu avec tout l'apparat de circonstance, la route bordée de chacun des 3 000 hommes de la garnison. Les collines résonnaient au son des canons tirés depuis terre et mer, et un orchestre jouait une musique martiale et solennelle. Après l'enterrement, les jeunes saules entourant la tombe furent dépouillés de leurs feuilles et brindilles par les chasseurs de souvenirs.

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